Skip to main content

La classe inférieure structurelle


| Maurice Bertrand

La nécessité de l’existence d’une « classe inférieure structurelle » a toujours été admise par les membres des classes supérieures et des classes moyennes. Vrai d’Aristote à Adam Smith et de Karl Marx à Weber. On s’est préoccupé d’améliorer le sort du « prolétariat » non de le supprimer. Il a toujours fallu travailler pour vivre, et aussi vivre pour travailler. La division du travail a été la recette universelle de productivité et de progrès depuis Adam Smith et au-delà. Le but du progrès a toujours été considéré comme l’enrichissement, non comme celui de l’esprit et de la dignité.

Sans doute y-a-t-il eu une prise de conscience partielle du problème : critiques du travail en miettes, du travail à la chaîne, « les temps modernes » de Charlie Chaplin, les efforts d’humanisation – musique douce-, d’intéressement, de participation, mais rien de sérieux ni d’efficace. Sans doute aussi notion de mission collective d’une profession déterminée (enseignants, magistrats, producteurs de biens utiles). Mais on a toujours besoin de domestiques, de balayeurs des rues, de travail à la chaîne, d’exécutants de tous ordres, (avec des salaires aussi bas que possible) . L’excuse majeure est l’emploi. Mieux vaudrait des jobs de ce genre que le chômage. Bien heureux celui qui peut « gagner sa vie. » Le reste est rêverie.

En fait, il s’agit d’une énorme hypocrisie. Appliquer le même mot à tous les types d’occupations productives est une escroquerie majeure. La confusion qu’entraîne cette imprécision entre les emplois intéressants, créatifs, bien rémunérés, chargés de sens et le emplois pénibles, répétitifs, sans intérêt, abrutissants, ennuyeux et payés au niveau le plus bas possible est indigne d’une société qui se prétend rationnelle. Tout ceci a été décrit et dénoncé par les réflexions de Simone Weil, par toute l’œuvre de Galbraith, par les descriptions de nombreux sociologues du travail, mais est resté sans solution.