Sur l'histoire de l'humanité
L’histoire de l’humanité pourrait être résumée d’une manière simple : l’oppression du grand nombre par un petit nombre de privilégiés et d’accapareurs de la richesse commune a toujours existé. Les formes d’exploitation ont varié, ainsi que les noms des régimes politiques, mais le résultat est resté identique, en dépit de tous les changements. Il y a toujours beaucoup de pauvres et peu de riches, beaucoup qui obéissent et peu qui commandent. L’esclavage n’a fait que changer de nom. Quelques bons esprits se sont étonnés qu’il puisse en aller ainsi.
Étienne de la Boétie, dans son « Essai sur la servitude volontaire », s’étonnait en 1550 que les peuples obéissent aux rois et aux tyrans, qu’un seul homme puisse faire obéir des multitudes, et que cette obéissance, contraire à toute dignité et à toute logique, soit non seulement acceptée, mais voulue par ceux qui subissent l’oppression. Tolstoï, à la fin de « La Guerre et la Paix », essayait de répondre sans y réussir, à la question que la prodigieuse aventure de l’invasion de son pays par les armées du dictateur occidental et de leur recul lui semblait poser : « Quelle est la force qui meut les peuples ? »
Simone Weil, en 1934, dans ses « Réflexions sur les causes de la liberté et de l’oppression sociale », expliquait que cette « soumission du plus grand nombre au plus petit, ce fait fondamental de toute organisation sociale, n’avait pas fini d’étonner ceux qui réfléchissent un peu. » Mais les causes de cette constance n’ont guère été identifiées.
Tout se passe encore comme s’il était impossible de savoir comment se constituent les forces sociales, comme s’il s’agissait toujours de « forces obscures » qui conduiraient les peuples de catastrophes en catastrophe, sans qu’il soit possible d’agir pour les en empêcher. Toutes les réflexions sur le « sens de l’histoire » n’ont pas beaucoup contribué à éclairer le problème.
Mais depuis que les êtres humains ont commencé à réfléchir, quelques progrès ont tout de même été faits…