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Vocabulaire


| Maurice Bertrand

Le vocabulaire utilisé pour traiter des phénomènes sociaux et politiques est aujourd’hui d’une grande imprécision. Nous avons beaucoup de mal à nous représenter la société ou les sociétés aussi bien au cours de l’histoire qu’aujourd’hui.

Les comparaisons inconscientes que nous utilisons sont :
celle d’un fleuve, pour tenir compte du changement dans le temps et d’une direction (idée de progrès continu depuis le paléolithique),
celle d’un courant marin perdu dans un océan,
celle d’un organisme vivant pour tenir compte des fonctions qui assurent la vie,
celle d’un champ de forces qui s’affrontent (lutte des classes),
celle d’une « main invisible » qui organise la production et la distribution des biens,
ou encore tout cela à la fois, sans ordre ni clarté.
A cet égard, la situation la plus confuse concerne les notions de pouvoir, de forces, de structures, de croyances, d’idéologies, et de politique.
Je crois que la première erreur consiste dans l’utilisation du terme « société ». Il n’y a pour l’essentiel que « des sociétés » à des niveaux d’intégration différents. Ce que l’on appelle « la société internationale » n’a guère commencé à exister qu’avec les grandes découvertes au 15ème siècle de notre ère et demeure depuis cette époque en état d’anarchie.
La deuxième erreur consiste à mal distinguer entre les notions de « pouvoir » et de « force sociale ». Pouvoir signifie à la fois « organisation volontaire et oppression ». Force sociale signifie « somme de comportements collectifs dus à quelque croyance commune et exerçant un effet de transformation sur les structures des sociétés».
Les sociétés sont des rapports de forces, si l’on considère que le pouvoir est une force incarnée dans la transformation continue de ces rapports de forces. Et l’élément moteur de cette transformation est, le plus souvent, un individu ou un groupe d’individus. L’histoire de l’humanité est celle de la conquête du pouvoir par de petits groupes d’individus rapaces, mais plus malins que les peuples, et dans la modification des croyances sur le monde et des sentiments identitaires (qui définissent la place de chacun dans la vision globale).
De toute manière, cette transformation permanente, et l’idée que les êtres humains s’en font, est le caractère principal de ce que l’on appelle l’humanité. Les représentations, conscientes ou inconscientes, de ce phénomène jouent un rôle majeur dans la transformation elle-même. Ceci se traduit par des visions divergentes de l’avenir. Et l’influence sur ces visions du passé et de l’avenir est l’enjeu politique fondamental. C’est pourquoi, la recherche d’une plus grande précision dans la définition des concepts utilisés par les sociologues est devenue urgente.