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11 septembre 2011


| Maurice Bertrand

Comme j’atteins ma 90e année et que je ne cache pas mon âge, on me pose quelquefois deux questions.
La première est : qu’est-ce qui vous paraît le plus important au terme de cette longue vie ?
La deuxième est : qu’est-ce qui vous a le plus frappé au cours de votre vie ?

Ce sont des questions différentes. La réponse à la première est pour moi très simple. Ce que je crois le plus important c’est l’amitié, l’amour, l’attention que chacun apporte aux autres. Pascal appelait cela charité en accordant au mot une autre dimension que celle que lui donne aujourd’hui le langage courant. Je reviendrai sur ce point.

La deuxième, sur ce qui m’a le plus frappé, est beaucoup plus difficile. Il s’est passé beaucoup de choses entre 1922 et 2011. J’aimerais pouvoir répondre avec la brièveté et la tranquillité d’esprit avec lesquelles le curé en retraite de mon village avait répondu à cette même question que je lui posais, alors que j’avais près de 50 ans de moins que lui. Il m’avait dit, sans hésiter : « C’est la perte de l’autorité ». Puis il avait expliqué que cette « perte » avait eu de bons côtés, et même que ceux qui, comme les communistes par exemple, avaient contribué à ce changement n’étaient pas étrangers à un certain progrès moral. Il n’était pas un esprit ordinaire.

En ce qui me concerne, il est évident que les progrès techniques qui ont accru incroyablement la domination de la nature au cours de ces neuf décennies m’ont surpris, comme tout le monde. Mais, en dépit des aberrations politiques, des génocides, des guerres aussi inutiles qu’atroces, je prétends que ce qui retient le plus mon attention c’est la subsistance de la possibilité du progrès moral. Cela exige quelques explications que je m’efforcerai d’apporter.