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Le sabre, le goupillon et d'autres jeux


| Maurice Bertrand

De petits groupes, plus dynamiques et plus intelligents que la moyenne, prennent le pouvoir. Le besoin de pouvoir s’explique par le besoin d’organisation face aux besoins à satisfaire et surtout face aux dangers extérieurs. Quelles que soient les formes originelles (familiales, tribales etc.) sur lesquelles nous n’avons pas beaucoup d’informations, l’histoire connue montre que les minorités qui obtiennent le pouvoir utilisent l’organisation et la force militaire généralement appuyée sur une religion.

Les besoins essentiels auxquels était ainsi apportée une réponse étaient donc la sécurité extérieure et l’explication de l’existence même, du monde et de la société. Cette combinaison du sabre et du goupillon semble avoir dominé dans toutes les sociétés. Tout le reste c’est-à-dire la langue, l’organisation sociale, l’administration, l’enseignement, l’art, les mœurs et coutumes, semble avoir dépendu du comportement de la minorité détentrice du pouvoir (ses goûts, ses ambitions, ses jeux favoris) et de l’existence d’autres minorités que l’on peut qualifier de créatrices – artistes et artisans, architectes, intellectuels, poètes, chercheurs, fonctionnaires, enseignants, philosophes, marins, commerçants – et du degré d’obéissance dont ils font preuve à l’égard de la minorité au pouvoir. Le jeu préféré des minorités prédatrices au pouvoir a été la conquête et donc la guerre. Le pouvoir a surtout consisté à accaparer le maximum de richesses, tant à l’intérieur de l’unité politique (terres, châteaux, costumes, harems, trésors, serviteurs et esclaves, courtisans, etc.) qu’à l’extérieur, par la conquête de nouveaux territoires, sources de plus de pouvoir, de richesses, de considération et de gloire.

L’assaut contre l’ordre social et la structure du pouvoir dynastique a été mené par les bourgeois des villes grâce à leur enrichissement et à leur découverte d’autres champs d’ambition, la création chez eux de minorités créatives capables d’exercer une influence, de s’intéresser à d’autres jeux que ceux des minorités prédatrices : l’art, la science, les techniques, la philosophie, la révolution, le sport, …etc. Entre les jeux de princes et les jeux pour les peuples, ils ont découvert des jeux « d’honnête homme » donnant un sens à la vie. L’ensemble de ces jeux a fait apparaître la possibilité d’un autre style de vie, en fait d’un autre type de société. Mais cette transformation n’a pas été étendue aux masses. Et en restant réservée aux privilégiés des classes moyennes, sans doute beaucoup plus nombreux que dans les sociétés primitives, en laissant subsister des institutions et des croyances archaïques, elle n’a pas achevé son évolution.